De la suppression des facultés de théologie à la naissance d’une science du fait religieux

La suppression des budgets alloués aux facultés de théologie par la IIIème République en mars 1885 est une étape importante et moins bien connue que les lois Ferry de 1881-1882 dans la laïcisation de l'institution scolaire. Elle achève de faire triompher les idées de l'Humanisme et des Lumières selon lesquelles le travail intellectuel ne doit jamais être soumis à l'obscurantisme ou au dogmatisme religieux. Elle rend impossible toute nouvelle loi Falloux, symbole du cléricalisme pour la génération de Gambetta et de Ferry (lire ici l'intervention de Victor Hugo lors des débats parlementaires de cette époque). La loi Falloux garantissait un contrôle religieux sur l'enseignement public.

En réalité, la réforme de 1885 est la date de naissance d'une histoire moderne se développant loin du contrôle des autorités religieuses. La censure qu'avait connu La Sorcière de Jules Michelet jusqu'à cette époque ou le renvoi d'Ernest Renan suite à la publication de son livre sur la Vie de Jésus (1863) montrent l'impossibilité d'une écriture véritablement sécularisée de l'histoire jusqu'à cette date dans le cadre de l'Université française.

L'affirmation du régime républicain, la suppression des facultés de théologie et la disparition du contrôle des autorités religieuses sur l'écriture de l'histoire permet la naissance d'une véritable science religieuse. En effet, dès 1880 est créée une chaire d'Histoire des religions au Collège de France. En 1886, l'Ecole pratique des Hautes Etudes est dotée d'une cinquième section qui porte le titre de "Sciences religieuses". Tout cela montre la volonté des élites républicaines de l'époque de promouvoir une vision laïque des religions. Cependant, la science religieuse se développe à distance des institution scolaires traditionnelles et plus particulièrement de l'enseignement secondaire jusqu'au années 1960.

L'Histoire des religions dans l'enseignement secondaire a souvent été abordée en France dans le cadre d'une Histoire générale de la méditerranée. Les nouveaux programmes adoptés en 2010 ont supprimé le chapitre sur l'Histoire de l'Empire romain sur la longue durée qui permettait d'aborder la question des origines du christianisme. Ils ont aussi fait disparaître le chapitre sur la méditerranée au XIIème siècle qui permettait une comparaison des trois grands monothéismes et des relations entre civilisations. On peut donc conclure qu'il s'est produit un net recul de l'enseignement du fait religieux à l'Ecole au moment même où la question religieuse ne cesse d'occuper les médias. Parallèlement,  le décret du 16 avril 2009 a autorisé le Vatican a délivré des diplômes valables dans toute l'Europe. Assiste-t-on à un changement de seuil de laïcité en France au début du XXIème siècle?

L'enracinement de la République dans la société française doit nécessairement s'accompagner d'une diffusion des pratiques de lecture fondées sur la liberté d'interprétation critique de tous les textes y compris religieux (Bible, Coran, Torah...). En effet, certains passages de ces textes ne sont plus compatibles avec notre modernité politique fondée sur les principes de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen car ils ont été rédigés par des hommes victimes des préjugés de leur temps.

A lire en complément avec un regard critique:

* Aux origines des sciences religieuses en France, la laïcisation du savoir (1810-1886), Claude Langlois, 2011.

* L'histoire récente de l'enseignement du fait religieux en France, Jean Carpentier, 2004.

* Difficulté de l'enseignement du fait religieux, Natacha Polony, 2010.

* Rapport Debray, février 2002.